L’ancien sage-femme accusé de viols sur onze de ses patientes, comparaissait devant la cour criminelle de l’Hérault. Après trois jours d’un procès pesant, le verdict est tombé vendredi 26 février, tard dans la soirée : 12 ans de prison. L’avocat général en avait requis 20.
La salle d’audience du tribunal en impose, par sa hauteur et sa grande fresque murale au dessus du prétoire. « La Justice protégeant l’innocent et dévoilant le crime ». Au centre de la table des juges siègent les cinq magistrats dont le président.
L’absence des jurés accentue le caractère solennel, froid et pesant, de la salle d’audience. La cour criminelle de l’Hérault est une nouvelle juridiction expérimentale prévue pour les crimes passibles de 15 à 20 ans de prison. Et c’est donc sans jury populaire, pendant trois jours maximum, que la cour va juger Lionel Charvin, 49 ans, pour « viols par personne abusant de l’autorité que lui confère sa fonction ». L’ancien maïeuticien de Montpellier est accusé par onze de ses patientes, pour des faits commis entre 2013 à 2016.
L’homme écoute – peut être sans l’entendre – l’interminable rapport du président, la répétition incessante des faits accablants. Impassible et immobile sur son fauteuil, tournant le dos au public, Lionel Charvin ne montre aucun signe de nervosité. Les chefs d’accusation sont pourtant lourds. Il est accusé d’avoir procédé à des pénétrations digitales – contraintes ou surprises – lors de préparations à l’accouchement ou de rééducations périnatales. D’une voix calme et posée, l’ancien praticien nie les viols en considérant ses actes comme « purement thérapeutiques. ». Sa pratique était donc « normale » et « il n’a jamais eu d’intention sexuelle. » Jamais.
Mais qui est donc Lionel Charvin ? Les expertises psychologiques et psychiatriques décrivent un homme séducteur et habile. Sa personnalité et ses capacités intellectuelles ont fait de lui un praticien « reconnu » et « apprécié », ce qui lui vaudra de présider le conseil de l’ordre des sages-femmes de l’Hérault. Et c’est sur cet axe que les avocats Maître Malgras et Maître Pechevis vont soutenir leur défense : « On ne peut pas nier que sa réputation était très bonne et que nombre de patientes étaient « enchantées » par Charvin ». » Maître Malgras ose même relativiser les onze plaintes parmi les nombreuses patientes suivies par le sage-femme. En pointant du doigt l’inspecteur de police chargé du dossier : « Combien ont pris spontanément contact avec vous ? Vous avez été les chercher au forceps ! »
Alors Lionel Charvin, ce magicien qui déclare à la barre « Je suis tout sauf un violeur » tromperait-il son monde ? Derrière une apparente « normalité », se cache un homme ambivalent, affaibli par un lourd passé familial : un père malade et trop souvent absent, la séparation des parents, une première expérience sexuelle incestueuse, à 14 ans, avec sa belle-mère. Et Maître Pechevis de rajouter : « Avec une maman battue par le papa, une sœur sexuellement agressée par le père également, Lionel Charvin a trouvé là sa volonté de soigner et de s’occuper des femmes. »
Maître Christol, avocate de cinq des plaignantes, retient des expertises le côté « prétentieux » de l’accusé. « Il a une haute estime de lui et il est fier de ses conquêtes sexuelles. » L’immaturité de Lionel Charvin est également soulignée par l’expert psychologue. Dans ce besoin de plaire aux femmes et dans cette recherche du plaisir qu’il pense pouvoir leur offrir, il y a chez lui un « besoin de compensation virile du fait de sa féminité. » Le penchant narcissique de Charvin l’a dangereusement écarté de son rôle de sage-femme. « Il y a de la perversité dans son comportement ». Et cette lourde réalité est reprise dans les plaidoiries des avocats des victimes.
Au troisième et dernier jour du procès, dans l’attente d’être interrogé et jugé par la cour, Lionel Charvin se tient debout. L’homme n’est pas grand. Un visage pas désagréable, plutôt fin et doux, apparaît au détour d’un mouvement de tête. Il a entendu les témoignages poignants de toutes ces femmes et son attitude n’est plus aussi tranquille. Il semble stressé et déjà accablé par le verdict à venir. « Je les adorais toutes. À aucun moment, je n’ai eu l’intention de leur faire du mal. »
Lui qui se voyait kinésithérapeute, ce n’était pas sa vocation de devenir sage-femme. Pour combler cette frustration et parce qu’il aime les femmes – et qu’il veut en prendre soin – il devient un maïeuticien hors pair, spécialisé en haptonomie et… sexologie. Maintenant à la barre des accusés, l’homme ne semble pas comprendre ce qui lui arrive. Lui, le coach parfait, à l’écoute de ces femmes fragilisées par la grossesse. « Ses copines » qu’il tutoie en même temps qu’il les pénètre avec les doigts, gantés ou pas. « Tu as déjà eu des orgasmes vaginaux ? »
Le mal est fait. Lionel Charvin a compris trop tard qu’il ne pouvait pas mettre le sexe au centre de sa pratique. En se croyant magicien, il est devenu violeur. Un violeur affectif, certes, mais un violeur quand même.