À Castelnau-le-Lez, rue de Salaison, un chêne plus que centenaire n’est pas prêt à supporter l’urbanisation envahissante du quartier. Un projet immobilier mobilise écologistes et riverains.
Le début du chemin ne ressemble qu’à une banale impasse de lotissement. Quelques centaines de mètres plus loin, alors que la végétation a remplacé les affreuses clôtures en parpaing, la rue de Salaison ressemble à un chemin rural et se ferme, comme par magie, sur un épais rideau d’arbres. C’est là que vit Marcelle 89 ans et son fils Christian 55 ans. C’est ici, dans leur jardin, que trône le chêne, Quercus Ilex, environ 150 ans. Et c’est par là que doivent passer les engins de chantier pour la construction d’un ensemble de 32 logements. La polémique sur ce projet vis à vis de la préservation de l’arbre centenaire et de la quiétude des riverains s’est bien installée. À Castelnau-le-Lez, on ne parle plus que de ça.

L’arbre, le Maire et l’ONF
« Tout le monde le regarde, ce chêne » explique Marcelle. Le vieux chêne de la famille Bedos a peu à peu gagné sur le chemin. Sa silhouette et son développement en font un arbre remarquable. Et son fils de rajouter : « J’ai toujours vécu avec lui et je l’ai vu grandir. Je n’ai pas envie qu’on l’abîme, il n’a rien demandé lui. »
Le chêne est au centre de la polémique. Il cristallise à lui seul la mobilisation citoyenne qui s’est récemment organisée contre le projet immobilier du « Clos des Oliviers ». Jeudi dernier, une vingtaine de personnes se sont rassemblées autour du vieil arbre pour s’opposer aux premiers travaux d’élagage programmés par la mairie. Riverains, associations et experts botanistes sont montés au créneau pour défendre l’Arbre. Pris de court, le maire de Castelnau-le-Lez Frédéric LAFFORGUE (qui est aussi Vice-président de la Métropole, délégué à la voirie et à l’espace public) a sollicité l’ONF pour un « diagnostic approfondi de tenue biomécanique de l’arbre ». La conclusion du rapport rendu en juillet dernier est formelle : « le projet de réfection de la voirie va obligatoirement abîmer l’arbre. » L’Office National des Forêts préconise de créer un autre accès aux futurs logements ou toutefois de mettre en place une plateforme métallique protégeant le système racinaire de l’arbre. Le chêne peut continuer à trembler d’autant que le projet immobilier est bien avancé et qu’une rampe d’accès a déjà été construite par le promoteur. Grégory PAPAÏX du groupe Les Nouveaux Constructeurs affirme qu’il est prêt à étudier toutes les solutions techniques pour protéger au mieux le vieil arbre.
Le bonheur, c’est le chemin
La « rue » de Salaison que borde majestueusement le vieux chêne a conservé le gabarit d’un simple chemin de vignes. Elle dessert la maison des Bedos. Seuls quelques promeneurs l’empruntent parfois le dimanche. Marcelle s’enflamme : « La mairie a toujours fait comme si c’était un chemin privé. En 50 ans, ils sont venus seulement trois fois nettoyer le chemin. »
Le vieux mas de vignes est devenu une petite habitation coquette ouverte sur l’extérieur. « Depuis l’âge de 3 ans, je vis avec ce chêne » ajoute Christian. Enfant, il a vécu ce chemin comme un prolongement de son jardin. « C’était un chemin de charrette avec le passage des roues et l’herbe au milieu. »
Aujourd’hui, handicapé, Christian craint de se retrouver immobilisé pendant les travaux et redoute aussi le passage des véhicules, une fois les logements construits.
« D’autres solutions existent ! » ni Marcelle, ni Christian ne comprennent comment leur impasse, à peine connue des services de la métropole, puisse devenir le seul accès possible à l’opération immobilière.
La folie de la « dent creuse »
Au bout du chemin, dans la cuvette d’une ancienne sablière, le terrain acheté par le promoteur ressemble déjà à un chantier. La voie d’accès aux futurs logements a été réalisée en taillant dans la falaise de sable qui était maintenue par de grands arbres. Aujourd’hui à nue, elle semble menaçante. Le collectif de riverains « Le Chêne et le Handicap du Salaison » animé par Christophe Menichetti redoute, à terme, un mouvement de terrain sous l’effet des précipitations.
Mais dans ce quartier résidentiel du Mas de Rochet, cette « dent creuse » est trop belle, une aubaine pour le promoteur qui se sert des règles d’urbanisme communales favorisant la densification. « Je n’ai fait que proposer un projet que le PLU (plan local d’urbanisme) permettait. On est pas là pour faire tout et n’importe quoi. » affirme Grégory PAPAÏX.
Aujourd’hui, le permis du projet immobilier est valable et la construction des logements pourrait d’ores et déjà être engagée. Reste à savoir si un autre accès à l’opération sera proposé et si l’arbre centenaire qui sera bientôt classé permettra de « sauver » le chemin de Salaison. À la mairie, Frédéric LAFFORGUE se veut rassurant : « La priorité a été donnée, préserver cet arbre. » (ITW le Mouvement du 7 novembre 2020)
Toute cette excitation pour un projet mal pensé et insuffisamment concerté. N’est-il pas temps d’abandonner l’obsession de la « dent creuse » à combler ? À Castelnau-le-Lez comme dans l’ensemble de la métropole, l’urbanisation comble les vides en niant trop souvent les réalités géographiques, environnementales et humaines. Loin de ces préoccupations, Marcelle et Christian mènent leur combat, celui du chêne et du handicap. Ils n’ont pas été épargnés par la vie. Alors faut-il risquer le sacrifice de ce vieux chêne résistant qu’ils ont adopté simplement « parce qu’il était déjà là » ? Cet arbre magique qui leur procure tant de fierté.
Droit de savoir
- « Le Clos des Oliviers », 32 logements répartis sur 4 bâtiments à R+1
- 28 novembre 2014, dépôt du permis de construire par la SCI « Salaison »
- 19 décembre 2014, autorisation du permis de construire par le Maire de Castelnau-le-Lez
- novembre 2017, rejet par le Tribunal Administratif du recours déposé par les riverains contre le permis le construire
- juin 2020, exécution des travaux de la rampe d’accès
- 02 novembre 2020, arrêté municipal programmant les travaux d’élagage du chêne
- 05 novembre 2020 ordonnance en référé liberté déposée par le collectif de riverains suspendant l’exécution des opérations d’élagage