Le bonheur, c’est ma rue

Âme forte du quartier, la rue de la Valfère illustre bien les tendances profondes (et salutaires) qui ont changé la ville de l’après Covid.

La crise sanitaire a mis en évidence la nécessité de développer de nouveaux modes de vie en ville. Les périodes de confinement et de couvre-feu, le télétravail, la perte de vie sociale liée à la fermeture des commerces, des espaces publics et des lieux de rencontres, ont totalement bouleversé notre rapport à la ville. Les citadins ont (re)découvert les avantages du quartier. Ils ont changé leurs habitudes en relocalisant leur consommation et leurs relations sociales. Un nouvel espace s’est ouvert, celui du « en bas de chez soi ».

Pour Jean-Paul Volle, professeur émérite de géographie urbaine à Montpellier, la crise sanitaire a eu des conséquences profondes sur la manière de penser et de vivre la ville. Il faut, selon lui, réinventer la cité du quart d’heure. Dans un entretien accordé à La Gazette de Montpellier1, le géographe évoque la question de l’urbanité mise à mal pendant cette période de pandémie. « On a été privé de l’échange social qui est l’essence même de l’urbanité. Paradoxalement, dans les aspirations nouvelles, il y a ce besoin de proximité, ce qui va nous permettre de nous positionner socialement et d’avoir la « rencontre facile » ». Dans ce contexte si particulier, la rue (dans son quartier) ne deviendrait-elle pas un nouvel « eldorado des relations sociales » . « On y a exprimé son soutien aux soignants, on a aidé ses voisins et on a pris l’habitude de faire ses courses dans les commerces proches » explique Lise Bourdeau-Lepage, géographe et économiste, dans une enquête publiée au Monde2.

Nous avons besoin d’une ville sensorielle, celle qui va nous donner conscience dans le devenir. Il faut que nous puissions trouver dans la ville une réponse à nos sens, à nos besoins. (Jean-Paul Volle)

Avec la pandémie, la rue est donc redevenue le lieu privilégié d’une sociabilité de proximité trop souvent bafouée par nos modes de vie et de consommation. Et la rue de la Valfère n’échappe pas à cette tendance. Elle fédère une vraie vie de quartier. Sa « revitalisation » était déjà entamée bien avant la crise sanitaire. Dans le quartier Sainte-Anne (comme dans l’ensemble du centre ancien de Montpellier), la mission « Grand Cœur » lancée en 2003 a permis de requalifier nombre de logements et d’espaces publics. L’attractivité commerciale et résidentielle a pu être préservée.

« On était déjà très solidaires les uns des autres. Ce quartier, c’est presque un village, une famille. » Jérôme Florès, artisan céramiste, a pignon sur rue. « La rue, c’est la proximité de la proximité. Au delà de 20 mètres, on se connaît déjà moins. » Aujourd’hui, la rue de la Valfère évoque l’entraide, le lien social. Son école, ses artisans, ses artistes, ses boutiques, ses restaurants (sans oublier ceux de la rue Terral), sont autant de repères familiers et rassurants. Et en ces temps de pandémie, l’environnement proche, les voisins constituent une sphère protectrice.

Nos portes sont ouvertes sur la rue. Dans ce que nous proposons, il y a quelque chose de partagé, d’enraciné. (Jérôme Florès)

Du bas en haut de la rue se tissent les liens d’une « proximité heureuse » . Et c’est bien cette proximité qui a rendu supportables le confinement et le repli sur soi provoqués par la crise sanitaire. Dans un espace urbain aussi dense, avec des logements le plus souvent petits et sans extérieur, la rue est devenue un échappatoire, un nouvel horizon.

Alors faut-il croire que cette crise nous a appris la citoyenneté ? Pour le géographe Jean-Paul Volle, c’est bien le cas. « Grace à cette pandémie, on entre dans le nouvel âge de la démocratie. Il y a ce besoin d’être en confiance et l’idée que la ville doit être le lieu où satisfaire notre désir personnel en même temps que le désir de vivre ensemble.« 

1 So Gazette, supplément à La Gazette de Montpellier, numéro du printemps 2021
2 Les habitants des grandes villes redécouvrent les bons côtés du quartier, article du Monde de Catherine Rollot publié le 11 septembre 2020

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